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Roots for Radicals

Nouveau messagePosté: Ven 18 Sep 2009 02:52
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traduction partielle de "Roots for Radicals"


sommaire

Avant propos (11)

Introduction : La Fondation des Zones Industrialisées / Industrial Areas Foundation : connaissance sociale, pouvoir et capacité politique (12)

1. Le monde comme il est et le monde comme il devrait être (21)

2. L'entrevue relationnelle (44)


ce chapitre en particulier fait l'objet d'une traduction assez exhaustive (voir lien en fin de message suivant).

3. Organisation oecuménique : une réponse délibérée à la condition humaine (55)

littéralement, "broad based organization" donne « organisation à base large ». Il est probablement peu acceptable de rendre "broad based" par oecuménique, néanmoins cela a le mérite de rappeler la part importante prise par les organisations religieuses dans ce genre de mobilisation aux Etats-Unis. Et avec la police scientifique à proximité cela ne manque pas piquant de chatouiller les gardiens des Cieux. Mais surtout, c'est un exercice élémentaire du jugement, confronté au (vieux) mot et à la chose (relativement nouvelle). Et puis oecuménique vient d'un mot grec qui peut se traduire par « la terre habitée »... Comme base large, ça se pose là ! D'autant que c'est encore le même -oikos que économie, alors vous pensez bien que je n'ai guère de scrupule à profaner un terme aussi évocateur

4. Relations : privé et public (72)

5. La pratique de la vie publique : recherche, action et évaluation (80)

6. Réflexions d'un organisateur [démocratique] (91)

7. Organisation oecuménique pour le 21ème siècle (112)

8. Pensées sur les défis du 21ème siècle (124)

Appendice. Industrial Areas Foundation Network (143)

A.R.M. / action-research & relationnal meeting

Nouveau messagePosté: Ven 23 Oct 2009 14:19
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Pourquoi ce livre ?


a/ Au départ, parce qu'il est présenté comme un manuel qui « incite les sans-pouvoirs à trouver le pouvoir et à prendre eux-mêmes la parole » (p. 11, avant propos) ; et parce qu'il rend compte d'une expérience de l'action collective, donnée pour heureuse et fondée sur ce constat :

Dans les années 80, [nous] avons commencé de changer la taille et l’échelle de nos interventions. Nous avons commencé à construire des organisations plus larges et plus profondes. Nous reconnaissions les modérés et les classes moyennes comme un potentiel inexploité. Organiser seulement les pauvres ne pouvait produire assez de pouvoir. (p.64)

mais aussi pour son titre et sa filiation, retracée par « Reveille for Radicals » (Alinsky, 1946) et « Rules for Radicals » (Alinsky, 1972) : « Il n'y a pas plus de règles pour la révolution qu'il n'y a de règles pour l'amour ou pour le bonheur, mais il y a des règles pour les radicaux qui veulent changer leur monde [...] »


b/ par suite, pour ces quelques repères - dans le désordre :

« Radical » est un mot mal compris par beaucoup de monde aujourd’hui […]. Les gens que vous rencontrerez dans ces pages ne sont pas habillés en noir, ne portent pas de masques et ne cassent pas les vitrines des magasins. « Radical » vient d’un mot latin qui signifie « racine ». Radical signifie aller aux racines de la matière et aux racines de l’esprit. Un radical est une personne qui cherche du sens et affirme une communauté. (p.12)

[...] tandis que la « majorité silencieuse » s'accommode du statu quo, il suffit que 2 à 3 % du corps politique soient bien organisés pour initier le changement social». C'est le message radical de ce livre. (p.15)

3 à 5 pour cent qui soient bien organisés suffisent pour initier un sérieux changement social. Pas n'importe quels 3 à 5 pour cent, mais des personnes clés et des institutions que les autres suivent. (p. 139)

L'endroit où les gens se réunissent volontairement pour y agir autour d'intérêts partagés s'appelle société civile. Contrairement au jargon d'usage, la société civile est le secteur critique et primordial, pas le soi-disant « tiers état ». La caverne, la famille et la tribu viennent en premier lieu. La société civile est le premier et le plus important niveau des institutions. [...] L'Etat et le Marché sont venus ensuite et pour le soutenir. (p. 61)

Les organisations oecuméniques de citoyens [broad based citizens organizations] comme celles de l'IAF [Industrial Areas Foundation : Fondation des Zones Industrialisées] sont les institutions par excellence de la société civile du vingt et unième siècle. Leurs membres ne sont pas des individus mais des institutions de médiation - congrégations, associations civiques, syndicats et quelques entreprises - qui se rassemblent pour agir de conserve selon leurs valeurs et leurs intérêts respectifs sur des sujets de préoccupation commune. [...] Le terme « oecuménique » [broad based] est employé ici pour distinguer les organisations de l'IAF des « organisations communautaires ». (p.63)

Les affiliés de l'IAF sont des organisations d'autres organisations. Les individus n'ont pas besoin de postuler. Quand vous avez plusieurs petits volants éparpillés, vous avez besoin d'en tirer un grand volant. La direction collective d'une organisation est formée dans la culture de la vie publique efficace et effective. Leur croyance profonde est que la justice démocratique n'est jamais donnée aux gens mais qu'elle doit être disputée et atteinte par la lutte publique. Parce qu'il n'y a pas de manière aimable ou polie de faire changer les choses, les nouvelles organisations doivent s'attendre à des confrontations et à des conflits fréquents. A la différence de la paix et de l'harmonie que nous espérons dans la vie privée, une organisation de vie publique crée des tensions, des cibles et des échanges de pouvoir, comme moyens de justice démocratique. Parce qu'au final une organisation de l'IAF est affaire de relationnel, l'entrevue relationnelle est son outil le plus radical. (p.64)

Les filiales de l'IAF se fondent sur leurs cotisations, car elles ont compris que le pouvoir vient de deux manières : par des gens organisés et par de l'argent organisé. Un collectif oecuménique efficace consiste en plusieurs institutions organisées avec de l'argent organisé sous forme de cotisation. Le judaïsme, le christianisme et l'islam sont des exemples d'institutions qui ont survécu pendant des milliers d'années parce qu'elles ont compris comment organiser les gens et l'argent. Les cotisations sont le sang des organisations de la société civile parce qu'elles donnent la propriété et garantissent une certaine indépendance dans les transactions avec les pouvoirs en place. Goethe avait raison : « Qui que ce soit qui mange mon pain, chante ma chanson. » [...]
Les cotisations importent aussi parce que le pouvoir précède le programme. Quand un collectif oecuménique a une base de gens bien organisés et de l'argent, il peut traiter avec les officiels et les firmes, et garder son intégrité et sa dignité intactes (p.65)

Plus de soixante organisations oecuméniques de citoyens, comme Metro COPS et BUILD constituent le réseau national de l'IAF. Chacune d'entre elles représente le tout, où elles se trouvent, en menant à bien des projets comme ceux énumérés plus haut [organisation des travailleurs temporaires, salaires minimum, logements abordables, écoles et services publics, etc.] Parce que ces organisations comprennent que le pouvoir précède le programme, leur travail commence par des centaines et des milliers d'entrevues relationnelles. Les projets surgissent de là. Une des choses les plus difficiles à enseigner à une organisation nouvelle est de construire son pouvoir de base avant de passer à l'action. Dans le processus de planifier, agir et évaluer des projets comme ceux-ci, de telles organisations font plus qu'obtenir l'entretien des rues, la construction d'écoles, la couverture sociale pour tous, la protection des vieux et la construction de logements. Elles reprennent le tissu social d'une communauté à travers les plis raciaux, religieux, géographiques et de classe. Elles génèrent le capital social qui fait que la vie n'est pas seulement supportable, mais sensée. (p. 68)

Où apprenons-nous à développer nos capacités politiques ? Le fait que si peu d'américains puissent répondre à cette question signifie que la plupart ne pourraient organiser le changement dans leur communauté si leur vie en dépendait. Mais le fait est qu'il le font (p. 71)

Les organisateurs sont des agitateurs, des catalyseurs et des entraîneurs à la vie publique. Ils représentent le tout. Ils font que les choses arrivent. Ils sont enracinés dans les saintes écritures, dans les textes fondamentaux de la démocratie et dans la vie des héros et héroïnes publiques. Ils sont radicaux dans le meilleur sens du terme. La question « Pourquoi ? » est importante pour l'organisateur professionnel, qui doit avoir une curiosité pointilleuse de comment cela se fait que les gens, les événements et les programmes sont comme ci ou comme ça. Ils sont généralement craints et mal compris car ils s'opposent au statu quo. Ce sont des personnes publiques qui cherchent le pouvoir collectif afin d'agir pour la justice. Etre un organisateur ne signifie pas être apprécié, mais plutôt, comme je l'ai déjà dit à propos de la vie publique, être respecté. Les organisateurs vont d'un autre pas. [...]

Organiser signifie une quête sans fin de talents, de passions, de visions, et la capacité de se mettre en relation avec d'autres gens. Les organisateurs n'apportent pas d'informations aux gens et ne flattent pas leurs préférences. Ils les incitent à créer un monde dans lequel ils peuvent croire, n'acceptant pas les choses comme elles sont, mais insistant sur les choses telles qu'elles pourraient être. Des convictions fortes attirent certains et repoussent les autres, mais elles ne laissent personne indifférent. Les organisateurs incitent les gens à agir selon leurs valeurs et leurs intérêts dans le monde comme il devrait être. (p.107)

Prenez garde aux organisateurs indépendants. Ils vous réunissent, ils désignent les cibles, ils évitent de vous rendre des comptes, ils tendent à n'avoir pas de discipline et, en général, pas de vie personnelle. (p.108)

Tandis que le 21ème siècle commence, United Power regroupe plus de 330 membres : des organisations actives qui cotisent. Parce que United Power est une organisation d'organisations, ces 330 institutions représentent des milliers de leaders individuels partout dans Chicago. Les organisations membres de United Power comprennent actuellement des congrégations, des syndicats et des organisations civiques. Les dirigeants se rencontrent et agissent localement, dans des groupes géographiques appelés assemblées. Chaque assemblée locale choisit des représentants qui constituent ensemble l'équipe de direction et de stratégie de United Power, laquelle établit une politique et détermine l'agenda de l'organisation. Ce corps élit une équipe administrative qui s'occupe des questions organisationnelles, demande des comptes aux organisateurs et recherche des thèmes avant qu'ils ne soient examinés par l'équipe de direction et de stratégie.
Des préparations locales et des sessions de formation ont lieu tous les mois, dans la ville et les banlieues, sur la manière de rechercher - traduire les problèmes en actions concrètes et spécifiques -, et de conduire les entrevues relationnelles, suivies de comptes rendus collectifs. Les dirigeants perfectionnés apprennent à conduire les réunions à domicile, où 8 à 10 personnes qui ne se connaissent pas se rencontrent chez quelqu'un ou dans les sous-sols d'une église durant 60 à 90 minutes pour partager et discuter de problèmes sociaux. Des assemblées et des forums sont alors créés pour examiner ces problèmes. Les dirigeants citoyens notent les taux de participation à ces assemblées publiques pour leurs organisations. Passer par ces étapes lance le travail public d'une organisation. L'IAF offre des sessions de planification stratégique 6 à 8 fois par an pour les dirigeants expérimentés d'United Power. Des retraites où les dirigeants s'arrêtent durant un jour et demi d'évaluation et de réflexion sont menées chaque saison. (p.118-119)

Les américains du 21ème siècle doivent nous débarrasser de la fiction légale de la firme comme personne [morale] et de l'ingénieuse illusion des marchands que le Marché est le « secteur privé ». C'est du non sens. Des groupes comme Enron, Arthur Andersen et WorldCom sont publics ; tout le monde subit leurs escroqueries et leurs fraudes. Et ils ne sont que la partie émergée de l'iceberg. [...]
C'est le travail de l'Etat de mettre des bornes au Marché - en d'autres termes de le tenir pour responsable du bien commun. (p. 124)

De nouvelles assemblées internationales, non partisanes et radicales, doivent être créées et encouragées en tant qu'institutions de contre pouvoir. En fournissant aux citoyens moyens un mode d'action collective à travers lequel ils peuvent prendre part au processus démocratique, les nouvelles organisations qui nous manquent offriront une origine plus personnelle et publique à la participation politique que les médias, les groupes de réflexion, et les sondages d'opinion et de comportement. Beaucoup de ce travail civique est actuellement en cours, mais à une échelle et à une taille trop petite, et sans traverser les frontières nationales. [...]

La majeure partie des gens n'est pas de droite ou de gauche. Ce sont des modérés, et chaque problème particulier dépend du côté vers lequel ils penchent. Les gens ne sont pas naturellement idéologiques ; c'est un lavage de cerveau progressif. L'engagement de l'IAF de rester et de construire avec la moyenne modérée explique que nous insistions pour que vous n'organisiez pas seulement ceux qui vous ressemblent, qui pensent et qui prient comme vous, ou qui partagent votre quartier ou votre niveau d'imposition. La diversité social et politique doit être vue comme une force. Les gens ont davantage en commun et coopéreront à travers des expériences partagées. (P. 137-139)


c/ et enfin, outre de nombreuses divergences plus ou moins conséquentes, pour cet parti pris explicite et opérationnel - une modestie qui cache opportunément son jeu :

Les collectifs de l'IAF ont pour but d'intervenir en force pour la justice en s'appuyant sur un solide jugement politique. En revanche, les organisations de service et de soutien dans le soin, l'éducation et la religion ne visent pas à la justice, mais plutôt à aider et compatir. L'effet de leur travail est d'améliorer le statu quo. Elles tendent à ignorer le pouvoir. Il y a des centaines de milliers d'organisations de service et de soutien aux Etats-Unis, mais moins de 100 organisations oecuméniques de citoyens. Les collectifs oecuméniques sont le plus puissant instrument social disponible maintenant pour le développement de la capacité politique, parce qu'ils sont de taille et d'échelle appropriées pour contrer le Marché qui menace de submerger l'Etat. (p.65)

Car, n'est-ce pas, entre obliger l'Etat à jouer son rôle et s'en passer, il y a peu ? D'autant que les organisations oecuméniques elles-mêmes ne semblent guère que contribuer au statu quo plus efficacement et à plus grande échelle ; quand leurs résultats ne sont pas paradoxaux, voire tout simplement contre productifs - malgré une influence et des réussites notoires, comme à San Antonio : majorité d'origine mexicaine au conseil municipal, maire hispanique, équipements sociaux et urbains à hauteur de 1 milliard de dollars (logements, parkings, cliniques, bibliothèques, gestion des eaux, éducation et formation professionnelle...) :

« Parmi les 15 plus grandes villes du pays, San Antonio a le second nombre le plus élevé de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. La moitié de ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ont entre 18 et 59 ans. La plupart travaillent : le taux actuel de chômage à San Antonio est inférieur à 3,5 %. Pourquoi est-ce que les gens travaillent si c'est pour rester pauvres ? » (Louis Dubose, Texas Observer, 1999 – in Roberto Vazquez, The San Antonio COPS revolution, 2005)

>> 2. L'entrevue relationnelle